MUSHROOM Cult



Voici une confidence. Ecoutez bien, vous tous. Je voue un culte aux champignons. Hallucinogènes de préférence. C'est un ami qui m'a appris à les reconnaître. Je ne me rappelle plus de cet ami, comme quoi, certaines choses restent, et pas d'autres. Le mieux, c'est de faire une cueillette de nuit, dans le coin, tout s'illumine, mode vision nocturne. Suivant le degrés de luminosité du champignon, la couleur. Faut pas se tromper. Ah ah ah. Une fois, j'en ai bouffé un pas mur, bah j'suis morte. Euh...
Le cris d'une chouette me réveille en sursaut. C'était quoi ce rêve ? Hey hey hey. Bon. Question numéro 1: Qui suis-je ? Narcisse. 2: Où suis-je ? Sous un champignon, un gros. 3: Comment suis-je arrivée là ? ...C'est quoi cette question, franchement, je suis pas guide Michelin. J'entend des bruits de sabot. C'était peut-être pas une chouette.

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...J'y comprend plus rien. Plus rien à quoi ? Plus rien à rien. Qu'est-ce que rien ? Bonne question. Plus tard ma poule, là je suis perdue, compris ? Alors je me retrouve et puis on en reparle.
Alors, déjà, y a le monde il est devenu noir, personne sait comment, personne sait pourquoi, et personne c'est juste moi, vu que je semble être seule ici. Où ici ? Bonne question. Mais bon, pour y répondre, tu te débrouilleras seul, coco.
Ensuite, bah ça a arrêté d'etre noire, et puis il y a eu quelqu'un qui n'était pas vraiment là non plus, je sais pas vraiment qui c'est ou autre mais bon. Et puis j'avais changé. Changer, ça veut dire ne plus être pareil qu'avant. Avant quand ? Avant où ? Avant pourquoi ? Avant comment ? Ce qui nous amène à la question principale de l'instant, y a pas le 50/50 désolée, la question est, non non non l'appel à un ami non plus, et maintenant ?
Maintenant c'est diffèrent, mais je ne reviendrais pas sur le sujet parce qu'on peut courir après sa queue, non non pas la tête Anne Laure, et tourner et en rond et en autre chose pendant très longtemps très longtemps.
Je disais quoi ? Ah, oui, maintenant, bah, y a des champignons, hein, écoutez. J'peux difficilement vous en dire plus. Des grands champignons qui brillent, c'est tout ce que je sais, et pis faudra bien que ça suffise puisque de toute façon je sais rien d'autre même si c'était déjà sous entendu dans c'est tout ce que je sais, certains insinuent meme que c'était le but, mais chut c'est un secret je crains à la conspiration. Enfin bref, champignons, champignons, brillants, pas brillants, peu importe après tout, ça reste des champignons, champignons, champignons, faisons original, champignons, changnonspis, pichangnons, gnonschampi, encore et encore, à droite à gauche, ça tourne ça tangue ça bouge mal à la tête des jaunes des bleus des rouges spirale de champignon qui tourne et tourne et tourne, quelque chose de dur je tombe je crois je suis par terre, champignons en haut en bas à droite à gauche, je ferme fort les yeux, mais dans mes yeux champignons, qui courent qui dansent qui saute qui tournent qui tournent qui tournent qui tournent, ma tête, ARRETEZ DE TOURNER ARRETEZ, ma tête, ma tête, champignons, ma tête, champignons, tournent, tournent, champignons, champignons, champignons, noir. Stop, fermez les rideaux, la pièce est terminée....
Fin du premier acte.

Quelqu'un à fait cuire des cornichons ? ..non, ce n'est pas pertinent. Il parait qu'il faut être aimable avec autrui, rester poli, tout ça. Et puis les gens aiment pas les autres pas sociables ou trop solitaire, ça fait tache. Mais moi, je sais jamais quoi dire.
-Bonjour.
C'est déjà bien non ? Faut-il demander comment elle va. Elle a l'air de pas tenir sur ses sabots. Je parle de la ponette qui vient de débouler devant mon nez, comme ça, tranquille. Est-ce que j'ai demandé de la compagnie moi ? J'étais en train d'admirer les belles couleurs d'un groupes de champignons plutôt phosphorescents, dans le genre bleu-vert, avec la lumière de la lune on aurait dit qu'ils s'enflammaient. J'aimerais bien revoir un feu. Je ne me rappelle plus vraiment à quoi cela ressemble. C'est vrai quoi, on en voit pas souvent ici, sur les terres de Cloud Nine. Il veut dire quoi ce nom ?
-Tu t'appelle comment ?
Et boom. Ça y'est, j'ai des étoiles dans la tête. Pas dans les yeux. Je n'ai jamais aimé cette expression, avoir des étoiles dans les yeux. Mieux dans la tête. Pour que quoi. Les champignons. Non. La lumière. Avec les nuages et le vent ça clignote. C'est beau. Dans ma tête, ça clignote. PARADIS Ouvert. Faux. Vrai ? Je sais pas.

Hé pas si fort. Ça fait bizarre d'entendre quelqu'un parler. Ça faisait longtemps. Quoi que. Peut-être. Avec les jonquilles. Ça chante une jonquille ? STOP, ARRÊTEZ TOUT ! J'ai faim, je suis fatiguée, y fait nuit, j'ai froid, une inconnue vient squatter mon champignon. MON champignon. Oui, y'a mon nom dessus. Est-ce que j'ai l'air de vous demander votre avis ? A vous ou à qui que ce soit d'ailleurs. N'est pas chef de troupeau premier mouton qui vient, surtout si c'est une brebis. Je ne suis pas une chose. Enfin si. Nous sommes tous des choses. Sinon, quoi nous sommes, quoi nous être, quoi sommes nous, que sommes nous ? Rien. Un tas de matière au milieu du reste. Après tous, y'a bien des fleurs carnivores.
-Si je dis non, ça vas pas. Si je dis oui, il faut donc une réponse complémentaire. Que dire donc. Que suis-je ? Une entité supérieur m’anime-t-elle du haut de son ego, ou bien suis-je libre d'être moi comme je le pense. Cogito ergo sum, comme dirait l'autre.
Hum, cela me laisse perplexe. Elle aussi, il me semble, ou alors c'est son air bête naturel. Moi, méchante, non, faut pas penser ça, c'est pas bien, du tout.
-Bon, je risque de me répéter, mais bon. Narcisse, pégase à ce qu'on dit. Mais je pensais que les pégases pouvaient voler. M'aurait-on menti ?
Le vent souffle, fort. Les feuilles des arbres crient et se laissent emporter. Ça sent l'orage.

Ses mots résonnent gentiment dans mes oreilles. Des mots très serieux auxquels elle a pas l'air de croire, ou un peu trop, ou autre chose, en fait j'en sais rien, mais bon, et pusi Nracisse c'est une fleur et c'est pas un pégase, et elle ressemble pas à une fleur et pas beaucoup à un pégase non plus d'ailleurs, mais est-ce que je sais à quoi ça ressemble un pégase, est-ce que je sais ce que c'est un pégase moi, c'est pas très sûr, et c'est peut-être vrai ou peut-être pas, mais quoi je me le demande bien à vrai dire. Oh et puis c'est pas très important, les mots sonnent dans mes oreilles, ça fait comme une colonie de clochettes, c'est joli, alors je les regarde longtemps, ils font chacun une musique differente, chacun a une couleur, et puis au final ça fait joli dans ma tête. Et puis après je me suis rendu compte que j'ai rien écouté, et que j'en sais rien de plus. Mais si j'avais écouté, est-ce que j'aurais compris, est-ce que ça m'aurait été utile, pourquoi, comment, où et quand, le mystère est et restera entier, c'est ballot hein, mais bon, c'est toujours comme ça la vie, on a pas toujours ce qu'on veut, et vu que de toute façon on sait rarement ce qu'on veut, et des fois on sait même pas ce que c'est de vouloir parce que tout est pareil et on laisse les choses venir comme elles veulent puisque de toute façon vouloir y changerait rien, il faut pas vouloir il faut agir, et bien c'est pas plus mal.
Les pégases volent. Pour voler ils leur faut quelque chose pour voler comme des ailes ou des pouvoirs de lévitation ou un parachute mais ça c'est un peu court comme vol, ou pas de parachute du tout mais c'est encore plus court et on peut pas vraiment s'entrainer, c'est dommage. Mais pourquoi donc elle veut voler ? La terre est assez grande pour pouvoir ne pas aller dans le ciel qui est lui aussi assez grand pour se perdre plein de fois. En plus y a jamias de panneaux indicateurs. Jamais eu le sens de l'orientation moi.

-Tu sais s'il y a des panneaux indicateurs par ici ?

Toujours bon à savoir. Il y en avait, près de mon pré (près de mon pré. Ça c'est cool.), avant. Bon, je savais pas les lire donc ils me sercaient à rien. Ah, et, je pouvais pas sortir, aussi. Jamais aimé ces barrières, mais bon.

-Nan, oublie, en fait. Mauvaise idée. J'aime pas ça. Ça rappelle les barrières. Y a pas de barrières au moins ?

Pas vu de barrières. Juste des champignons.

-Qui est-ce qui t'a peut-être menti ou peut-être pas ? C'est quelqu'un qui t'a dit que les pégases volaient ? Et que tu en étais un ?

Faudrait quand même que je songe à me lever. Plus tard. Le sol est confortable. je dois écraser quelques champignons, mais bon. Ils m'en voudront pas si je leur fait un grand sourire.

-Et bah, je sais plus moi. Je pensais que les ailes, ça pouvait servir à voler. Mais bon après, je garanti pas.
C'est pas gentil d'écraser des oeufs. Et pour faire une omelette, sans oeufs, tu fait comment ? Après, y'a plus d'omelette aux champignons.
-Dis moi, tu connaîtrais pas, par hasard, un genre de poney qui connait bien les champignons ?
Je veux des hallucinations. Ça doit être classe de pouvoir voir au delà de la réalité, comme dans les rêves, en plus mieux. La pluie commence à tomber. Coup de tonnerre. Les nuages s'illuminent. Les arbres s'animent. J'aime la pluie. J'aime les rivières et les cascades. Reflets mouillés des éclairs sur l'écorce. Boom. Pan. Vffsst. Fffffft. Plic plic. Drôles de feuilles sur cet arbre que la folie du vent fait claquer. Cendre noires dans le ciel. Lampadaires dans le bleu, au milieu du gris et des balafres. Je me retrouve assise, la tête en l'air, à regarder.

Les ailes, voler. Narcisse pas la fleur a des ailes, elle vole. pas appareùment, elle est par tere aussi, pas dans l'air. OU moi je suis dans k'air et je refgarde le par terre mais c'est déjà moins logique puisque c'est du ciel au dessus de moi et pas de la terre. Mais bon.
Moi j'y connais rien aux champignons, et je crois qu'ils me plaisent pas trop, y en a trop. mais je connais pas de poney, moi. Plus. Je la connais elle Narcisse. Mais c'est pas un poney, c'est un pégase. Elle a bien une tête de s'y connaitre en champignons.

-Euh, toi, sans doute.

Et puis lumière, oustiti, et puis son, braoum en gros, mais en plus vrai, et puis l'eau et le froid, qui coulent sur moi, qui est cristal, qui glisse, qui fait une jolie musique. Symphonie de pluie. Je me retourne, je regarde le ciel entre les champignons qui brillent doucement. La pluie tombe de rien. On voit les étoiles comme à travers du rien, rien qui est là et qui est rien puisque c'est un peu normal, enfin, rien c'est rien, ça devrait être acquis, enfin peut-être, tout n'est pas sûr et rien ne l'est, sûr, parce que personne ne sait rien, tout est relatif et rien n'est jamais sûr, peut-être que c'est rien tout ça, la vie, le monde. Et dans ce cas là rien serait quelque chose quand même, au moins plus ou moins. Je viens de prouver que rien était quelque chose peut-être. Et personne m'a contredit en plus. Logique vu que je parle toute seule dans ma propre tête, mais bon.
Le spectacle est beau.

La pluie, ça mouille, quand même. Je commence à avoir froid et à trembler. Ça motive. J'arrive à me mettre plus oun moins debout sur mes sabots, et je marche, enfin, plutôt, je m'écroule, jusqu'à un grand champignon. Champignon. Parapluie. Pas si different quand on est tolérant. On est tous les mêmes. On est tous differents. Pourquoi certains le seraient-ils plus que d'autres ? D'autant plus que je serais bien en peine de détérminer qui du champignon ou du parapluie est le plus different. En même temps, aucun rapport avec les huitres. Donc bon, à quoi se casser la tête ? Parce que à la limité, casser des coquilles d'huitres, ça sert à rien non plus mais c'est la tradition. Alors que casser des têtes, c'est assez barbare comme pratique, donc on va éviter. J'suis suffisamment mal en point pour être pacifique. Et de toute façon, j'ferais quoi d'une tête cassée honnêtement ? J'imagine bien la chose, le cerveau éclaté comme un fruit trop mur qu'est tombé de l'arbre, avec des morceaux qui dégoulinent à droite à gauche, parfaite décoration pour Halloween quoi.

-Tu me l'as demandé ?

Parce que bon, je vois pas comment j'aurais pu deviné qu'elle voulait savoir mon nom si elle me mettait pas au courant. La télépathie, c'pas dans les options. C'était bien disponible chez le concessionnaire, mais c'était trop cher, alors bon, j'ai pris la peinture métallisée, hein. Euh, mais peut-être que je devrais répondre. Mon nom. J'ai un nom, moi ? Oui. Tout le monde a un nom. Non. Mais bon. Moi j'en ai un. Je sais que j'ai un nom. Reste à trouver ce que c'est. Oui, je me souviens. Tout est tellement flou... Mes souvenirs d'avant jouent avec moi comme des papillons, non, des mouches agaçantes qui bourdonnent à mes oreilles mais ne se laissent jamais attraper. Finalement, je balance un coup de dent, et j'en attrape un par l'aile. Pas très réaliste mais on est dans le domaine de la métaphore, donc c'est le principe on va dire, d'accord ?
Donc, je pioche mon nom. Dirinya. Joli, j'aime bien. Ça sonne comme une feuille qui vole dans le vent, avant de tomber dans l'eau, de se laisser porter par le courant, et de finir par pourrir sur la berge. Je sais, c'est une métaphore, j'aurais pu être moins réaliste et enlever la dernière partie. Mais ça a plus le même charme sinon.

-Dirinya. Pourquoi ?

Je me demande ce qu'elle veut faire avec. Elle doit être vraiment plus avancée maintenant qu'elle sait quelle suite de sons me désigne, alors qu'elle m'a déjà, là, sous le nez. Je ne lui suffit pas, il lui faut mon nom. Pourquoi ? Mystère. Il lui faut un nom pour me ranger, me categoriser, et m'oublier plus vite. Un mot, c'est abstrait. Ce qui restent, ce sont les images.

C'est presque monotone, maintenant, pluie, champignons. Je veux que les choses changent. Mais je ne peux pas partir. Pourquoi ? Qui me retient ici ? Qui a décidé que j'étais comme enchainée à ce genre de parapluie géant et vaguement comestible ? Y a pas de justice dans ce monde. C'est quand je veux partir que je suis clouée au sol, c'est quand je veux dormir que le vent souffle d'une oreille à l'autre. J'aime pas les courants d'air dans ma tête, ça chatouille. Mais puisque on veut me... j'trouve pas de mot poli, mettons "m'embêter" même si c'es pas ce que je pense, jusqu'au bout, et bien, et bien, cette phrase n'a aucune fin a avoir puisque on ne désigne personne, on ne peut donc pas analyser les motivations de cet impalpable on, les on, y a t-il un paon dans la salle, s'il est paon c'est qu'il est pas on lui non plus, ça nous fait un suspect de moins, plus que quelques milliards, quoi que, je ne sais pas combien de gens il peut y avoir ici, je ne sais même pas si ici est à séparer d'avant le noir, si c'est quelque chose de diffèrent ou juste un autre endroit, ce qui reviendrait au même de toute façon, puisque je ne connaissais pas le monde, et d'ailleurs je continue dans cette voie, et ça va pas aller en s'arrangeant si je reste sous ce champignon à péter un câble, je veux aller voir ailleurs si j'y suis, maintenant et vide. Non, pas vide, pas assez vide, le vide c'est calme immobilité, envie de mouvement, c'es pas vide, c'est pas assez vide, il faut que je parte parce que rester me tue, et ça semble un plutôt bon prétexte, il semble.

-La sagesse ? Tu crois que la sagesse peut me libérer ?

Si la sagesse peut me rendre mes jambes, je signe. Désolée, les sabots pour tenir le stylo, c'est pas le plus commode, mais on fera avec. C'est où la poste la plus proche pour aller chercher le colis ? J'oubliais, je peux pas y aller. Vous livrez à domicile alors ? J'oubliais, j'ai pas de domicile. Ok, donc, la sagesse, pas un bon plan, va falloir se débrouiller sans. Sans sagesse. Comme d'hab quoi. Je suis pas sage comme jument. Quoi que. Sagesse et folie se confondent parfois. Mais je maintiens que je ne suis pas sage, et que je ne suis pas folle non plus. Pourquoi tant d'étiquette ? Y a-t-il une échelle chiffrée pour mesurer la folie ? Pour pouvoir dire "il est sain d'esprit" ou "il est fou" ? Y a-t-il des normes pour pouvoir dire qu'il est normal ?
Qui est il. C'est comme on, personne sait. Appelons le le sujet témoin. Le pauvre, il existe pas et on s'en sert quand même comme cobaye. Il a plutôt bien fait de pas exister, sa vie aurait été bien pourrie sinon.

-Non. Pas de raisons. Pas de réflexion. Emmène moi loin d'ici. S'il te plait. Je t'en prie... Pas de pourquoi, juste un ailleurs. Tu viens ?

Et tout à coup c'est clair. Et je me remet debout, comme si je l'avais toujours été, je sors de sous ce champignon ridicule, je sens la pluie et je me rappelle que je suis en vie.